Covid-19 et mesures de restriction : la situation en Hongrie préoccupe
« Dans cette situation sans précédent, il est légitime que les États membres adoptent des mesures extraordinaires pour protéger leurs citoyens et surmonter la crise. Nous sommes toutefois profondément préoccupés par le risque de violations des principes de l’État de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux résultant de l’adoption de certaines mesures d’urgence. »
C'est par ce communiqué, signé à l'heure actuelle par 13 États membres, que l'Europe a réagi suite aux mesures d'urgence prises par Budapest le 30 mars dernier pour faire face au coronavirus.
Certains objecteront que de nombreux pays européens ont mis en place des dispositifs exceptionnels plus ou moins similaires sans pour autant s'attirer les foudres de l'UE. C'est, notamment, le cas de la Belgique, dont le gouvernement fédéral dispose désormais de « pouvoirs spéciaux », et de la France où un état d'urgence sanitaire a été instauré, ce qui autorise le gouvernement à légiférer par décret. Il y a cependant une différence majeure : en France, cet état transitoire est prévu pour durer 2 mois et toute éventuelle prorogation devra faire l'objet d'une nouvelle loi.
La « loi anti-coronavirus » qui a été adoptée par le Parlement hongrois confère au Premier ministre Viktor Orbán les pleins pouvoirs pour une durée illimitée ! Ce qui fait craindre à de nombreux parlementaires de l'opposition que ce texte ne soit en fait un cap vers la dictature.
En outre, cette nouvelle loi prévoit, entre autres, que des peines de 5 ans de prison puissent être infligées à celles et ceux qui diffuseraient des « fausses nouvelles sur le virus ou les mesures du gouvernement ». Selon de nombreux observateurs, ceci revient à mettre en coupe réglée les médias indépendants ou encore les élus qui réclament plus d'information sur la propagation du virus. Car qu'est-ce qu'une « fausse nouvelle sur le virus ou les mesures du gouvernement » ? et qui décidera que telle nouvelle sur le virus ou les mesures du gouvernement est fausse ? Le risque d'atteinte à la liberté d'informer et de s'informer est manifeste !
Plus que les mesures exceptionnelles prises en réponse à la crise sanitaire, c'est surtout le flou sur leur période d'application qui inquiète en Europe. Car lesdites mesures exceptionnelles pourraient tout aussi bien s'inscrire dans la durée, coronavirus ou pas. Ce à quoi Monsieur Orbán répond benoîtement : « Nous ne savons pas quand finira l'épidémie ; je ne peux donc pas vous donner une date limite. »
Nouvelle provocation de la part du leader hongrois, qui est connu pour aimer tutoyer les limites ? Ou velléité de putsch constitutionnel, comme plusieurs titres de la presse européenne le dénoncent déjà en manchette de leur page internationale ?
Toujours est-il que la démarche du Premier ministre de la Hongrie irrite, jusque dans les rangs du PPE (Parti populaire européen), dont le Fidesz de Viktor Orbán est cependant membre. Peut-être plus pour longtemps ceci dit ! En effet, Maxime Prévot, président du cdH, ainsi que le parti social-chrétien flamand et une dizaine de membres du PPE viennent tout juste d'adresser à leur président Donald Tusk une lettre rédigée sur le ton de « Cette fois, ça suffit ! », demandant l'expulsion du Fidesz de leurs rangs.
Ursula von der Leyen s'est dit quant à elle « particulièrement concernée par ce qui se passe en Hongrie », précisant que des mesures seraient prises si cela venait à s'avérer nécessaire.
Espérons qu'il ne s'agit pas là que d'une simple déclaration d'intention ! En ces temps difficiles, l'Europe a plus que jamais besoin de rester unie et de faire corps autour des valeurs de solidarité et de défense des libertés individuelles qui constituent son ciment.